Mort de Henri Burin des Roziers, l'avocat des sans-terre brésiliens

Avocat et religieux, le Français a défendu pendant quarante ans les paysans de l'Amazonie. Bête noire des riches propriétaires qui avaient mis sa tête à prix, il est mort le 26 novembre à Paris, à 87 ans.
Né dans la grande bourgeoisie parisienne, il était promis à un avenir doré sur tranche. Il a préféré la cause des opprimés qui l’emmena, trente-cinq ans durant, au Brésil. Le frère dominicain Henri Burin des Roziers s’est éteint le 26 novembre à Paris, à l’âge de 87 ans. Ses funérailles sont tenues ce vendredi. «Conformément à son souhait, il sera incinéré et ses cendres seront ramenées au Brésil», révèle le dominicain Xavier Plassat, qui continue son combat. Comme l’écrit l’activiste brésilien Leonardo Sakamoto, c’est une «victoire» que «Frei Henri» ne soit pas mort assassiné, car latifundistes, esclavagistes et autres flics tortionnaires d’Amazonie avaient mis sa tête à prix.
Empêcheurs de tourner en rond
Avocat formé à Cambridge, ordonné prêtre en 1963, il était arrivé au Brésil en 1978. Non pas pour convertir – il rejetait l’étiquette de «missionnaire» – mais pour lutter contre les injustices. Il débarque dans le Far West amazonien où le conflit pour la redistribution des terres fait rage. A l’époque (et encore aujourd’hui) les fazendeiros, cette poignée de grands propriétaires qui détiennent plus de la moitié du territoire rural du pays, font exécuter tous les empêcheurs de tourner en rond : paysans sans-terre, syndicalistes, écologistes, militants des droits de l’homme… Henri Burin des Roziers s’engage au sein de la Commission pastorale pour la terre (CPT), très active pour la réforme agraire et contre le travail forcé. «Henri a marqué et inspiré militants et juristes par sa recherche constante de la vérité, son exigence de justice quoiqu’il en coûte, reprend Xavier Plassat. Il avait une empathie avec les pauvres, un sens de la stratégie pour organiser leur défense sans leur retirer la capacité d’être les acteurs de leur propre libération.»
51 000 travailleurs libérés du travail forcé
En 2010, le Mouvement des sans-terre a baptisé de son nom une propriété d’Amazonie que ses militants occupent depuis pour exiger son expropriation. Tout un symbole. «Henri a toujours été le caillou dans la chaussure, dit encore son successeur. Il a rendu visible les graves problèmes des campagnes brésiliennes et fait reculer l’impunité en obligeant la justice à agir. Grâce à lui, de gros bonnets ont été traînés devant les tribunaux», tel le fazendeiro commanditaire de l’assassinat, en 1991, d’un leader syndical de l’Etat amazonien du Pará. Il est aussi à l’origine, avec d’autres, de la pression exercée par l’ONU et l’OIT pour que le Brésil reconnaisse l’existence du travail forcé qui sévit surtout (mais pas seulement) dans les exploitations agricoles d’Amazonie. «Les 51 000 travailleurs libérés depuis 1995, on les lui doit.» Un combat d’actualité, alors que le gouvernement, allié du lobby agricole, a pris une ordonnance – suspendue fin octobre par la Cour suprême — pour assouplir les critères de qualification des formes modernes d’esclavage.
Ce combat valut à Henri Burin des Roziers la légion d’honneur en 1994, puis le prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux en 2005. D’autres religieux étrangers l’ont rallié, telle la missionnaire américaine Dorothy Stang, assassinée dans le Pará par des tueurs à gages en 2005. Deux ans plus tard, des pistoleiros étaient engagés pour liquider le frère dominicain. Depuis, et jusqu’à son retour en France en 2013, il vivait sous escorte vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
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